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Les gains et les pertes budgétaires face aux neurosciences

Gains et pertes budgétaires vus par les neurosciences

Un kilogramme de plume vaut-il un kilogramme de plomb ? si le rationnel dit « oui bien sûr », le cerveau est beaucoup moins affirmatif. C’est ce que démontrent les neurosciences. 

Privées comme publiques, les questions budgétaires sont au centre des débats, depuis les ronds-points jusque dans les ores de l’Elysée. Un peu d’apport théorique sur les neurosciences permet d’expliquer une partie du problème actuel. Dans son ouvrage de référence Système 1 – Système 2, le prix Nobel d’économie D. Kahneman explique dans la partie 4 « faire le bon choix » la différence entre des valeurs numériques de gain et de perte et leur valeur psychologique. Voici une approche simplifié et graphique de ses propos :

1- Gains et pertes : approche rationnelle

Une approche rationnelle consisterait à penser que les gains et les pertes provoquent des effets psychologiques symétriques et proportionnels.

Figure 1 : représentation rationnelle de la valeur psychologique

Dans ce mode de pensée, ce qui compte, c’est le résultat final qui, s’il est positif, devrait entraîner une certaine satisfaction. Ce mode de pensée devrait être celui d’un gestionnaire de portefeuille d’actions professionnel pour lequel la stabilité émotionnelle est sans doute la plus grande des qualités requises.

Cependant, cette approche n’est pas valable dans la plupart des cas, ce qui a conduit les scientifiques à chercher un raisonnement plus élaboré.

2- Bernouilli : 100 € n’ont pas la même valeur pour tous

Dès le XVIIIe siècle, Bernouilli, célèbre mathématicien et physicien suisse, développe la théorie de l’utilité marginale. En effet, il constate que proposer 100 euros d’aujourd’hui n’a pas du tout le même impact psychologique pour quelqu’un qui possède 100 euros et pour quelqu’un qui possède 900 euros. Autrement dit, 100 euros n’ont pas la même valeur pour tous – et cela dépend fortement de ce que l’on possède déjà.

Figure 2 : représentation de Bernouilli de l’utilité marginale

Ainsi, il reconstruit une vision mathématique non proportionnelle des gains (et des pertes).

Par exemple, lorsque l’on supprime 50 euros d’aide, ces 50 euros n’ont pas du tout le même poids psychologique si l’on gagne 500 euros par mois ou 3000 euros par mois. Pour les premiers, cette diminution est ressentie comme une vraie catastrophe alors que pour les seconds, c’est une perte acceptable.

Cette vision aura tenu et reste d’actualité dans l’analyse économique près de 300 ans, bien que comportant de graves défauts. En particulier, il existe de nombreux contre exemples que les neuroscientifiques essayent de comprendre.

3- Kahneman : le risque de perte amplifié par notre cerveau

Dans son ouvrage, Kahneman développe sa théorie des perspectives dans laquelle les gains et les pertes ne sont plus symétriques en terme de valeur psychologique.

Figure 3 : représentation de Kahneman issue de la théorie des perspectives (d’après la figure 10 de l’ouvrage cité plus haut)

En effet, le cerveau n’analyse pas les pertes et les gains, ni de manière proportionnelle (thèse de Bernouilli), ni de manière symétrique. En effet, cet organe conçu pour notre survie amplifie considérablement nos risques de perte par rapport à nos risque de gains.

Les études montrent qu’il y a un facteur 1.5 à 2.5 entre les gains et les pertes. Une autre étude montre qu’un ménage qui tient la route entretient au moins 5 gestes de reconnaissance pour un geste de mépris. Concrètement, proposer un gain et une perte de même valeur (afin d’obtenir un résultat nul) entraîne une forte valeur psychologique négative.

 

De l’importance de neurosciences

 

L’art de manier les gains et les pertes en situation de pouvoir est complexe, il importe aux dirigeants de bien comprendre la différence entre une valeur et la perception de cette valeur, cette différence qui entraîne tant de frustration et d’incompréhension. De ce point de vue, la formation aux neurosciences est d’un grand secours pour les managers et les dirigeants.